Par Dr BOUMEHDI Bounhir, médecin radiologue

Chaque 29 octobre, le monde se souvient d’une urgence qui ne laisse aucune place à l’hésitation.

L’accident vasculaire cérébral frappe sans prévenir et n’accorde aucun délai de grâce.

Il prive la parole, paralyse les corps et bouleverse les familles.
Il tue en silence, mais surtout, il détruit des vies que la médecine moderne pourrait sauver — si nous agissons à temps.

Au Maroc, le drame est essentiellement organisationnel.
Ce ne sont ni les compétences ni les technologies qui manquent — ce sont les minutes.
Trop précieuses, trop gaspillées.

Car face à un AVC, tout commence — ou tout se perd — dans la salle d’imagerie.

Le scanner cérébral est le premier juge du destin.

Réalisé immédiatement, idéalement dans les 20 minutes après l’arrivée aux urgences, il décide : caillot ou hémorragie ?
Dissoudre ou contenir ? Sauver ou laisser mourir ?

Dans les pays qui ont fait du cerveau une priorité, le parcours est clair : porte-to-scanner en moins de 20 minutes. Thrombolyse ( destruction du caillot) avant 90 minutes.
Une équation simple qui sauve la marche, l’autonomie, la dignité, la vie.

Chez nous, la réalité demeure semée d’embûches : retards d’alerte, retards de transport, retards d’accès à l’imagerie.
Et chaque retard alourdit le verdict.

L’innovation offre pourtant une seconde chance.
La thrombectomie mécanique — prouesse de la radiologie interventionnelle — permet d’aller chercher le caillot au cœur de l’artère.
Parfois jusqu’à six heures après les premiers symptômes, parfois jusqu’à vingt-quatre heures.
Une main guidée dans les vaisseaux pour libérer le cerveau prisonnier.
Une victoire sans chirurgie.

Mais pour que cette victoire devienne marocaine, il faut une chaîne humaine et technique qui ne se brise jamais : ambulanciers formés à reconnaître le danger, neurologues et radiologues interventionnels mobilisés 24h/24, circuits d’accès à l’imagerie prioritaires, unités spécialisées dans chaque région du pays.

La science est unanime : chaque minute perdue emporte deux millions de neurones.
Une minute d’hésitation, et c’est un mot qu’on ne prononcera plus jamais.

Une minute de retard, et c’est une marche qu’on ne fera plus.
Chaque retard laisse une trace irréversible.

Il est temps d’en finir avec l’idée que l’AVC est une fatalité.
Il est temps que le Maroc adopte une stratégie nationale dédiée, avec des moyens, des objectifs et une mobilisation populaire.

Reconnaître une bouche qui se déforme, un bras qui s’affaisse, une parole qui se trouble : c’est déclencher le sauvetage.

Appeler immédiatement les secours : c’est donner une chance au cerveau.

À l’occasion de cette Journée mondiale de l’AVC, une vérité s’impose : le Maroc peut sauver plus de vies. Il doit seulement faire plus vite.

Derrière chaque minute se cache une famille, un avenir, un sourire qu’on peut conserver.

L’heure n’est plus au constat.
L’heure est à l’action. Maintenant.