Dr Bounhir BOUMEHDI
Le Maroc n’a pas de programme national de dépistage des cancers du sein chez les femmes entre 50 ans et 74 ans, permanent dans le temps.
Certes, des campagnes sont lancées de temps en temps.
Ce n’est certainement pas suffisant pour faire reculer la mortalité et la morbidité liées aux cancers des seins.
Un programme national s’impose.
Cela nécessite toute une organisation et des budgets conséquents.
Comment profiter d’expériences d’autres pays dans ce domaine ?
Et comment tirer profit des débats engagés sous d’autres cieux ?
Que préconisent des instances scientifiques internationales sur cette question ?
En France, un collectif de radiologues propose des modalités de recours à l’IA dans le programme national de dépistage des cancers par mammographie.
Ains, des médecins radiologues Français, convaincus de l’importance de l’intelligence artificielle (IA) pour l’imagerie médicale de demain, appellent à son développement au travers de partenariats académiques ou industriels, d’études scientifiques ou de challenges annuels lors des rencontres scientifiques de radiologie.
Pourquoi pas au Maroc ?
Il est à rappeler que les radiologues spécialisés dans le dépistage du cancer du sein ont été pionniers dans le développement de l’IA en mammographie.
En France, c'est un examen recommandé pour le dépistage organisé des femmes entre 50 et 74 ans avec une double lecture des clichés – la deuxième lecture impliquant un radiologue expert.
La tomosynthèse, évolution technique de la mammographie, est en passe de la remplacer au vu de ses performances
La Haute Autorité de santé (HAS) française avait d’ailleurs proposé en 2023 la substitution de l’acquisition de la mammographie classique par une mammographie synthétique reconstruite à partir des coupes de tomosynthèse.
Or, une mammographie synthétique se lit obligatoirement avec les coupes de tomosynthèse qui ne peuvent pas être à ce jour, en France, transmises numériquemen.
Car, en 2024, la dématérialisation (possibilité de transfert numérique des images entre premier et second lecteurs) n’existe toujours pas à l’échelle du territoire français.
L’absence de dématérialisation et le taux insuffisant de participation à la campagne de dépistage (en 2022, 2 424 599 femmes ont pratiqué une mammographie dans ce cadre, soit un taux national de participation de 44,9 %) conduisent plusieurs agences régionales de santé à proposer des expérimentations visant à remplacer l’interprétation de la mammographie par le radiologue premier lecteur par l’intelligence artificielle.
Or, la question de savoir si l’IA peut se substituer à un radiologue en première ou en seconde lecture a été récemment abordée dans un avis de la Société d’imagerie de la femme (SIF), présenté à l’Académie de médecine le 25 janvier 2024.
Cet avis scientifique a été basé sur une métaanalyse comparant radiologue et IA, sur plus d’un million de mammographies avec différents logiciels d’IA, démontre que le radiologue en situation de routine est plus performant que l’IA, sans possibilité de conclusion de performance sur la tomosynthèse.
Deux autres types d’utilisation ont été testés dans la littérature : d’abord l’IA comme outil de triage pour identifier les mammographies ne nécessitant pas de double lecture.
Publiée dans la revue The Lancet Oncology en août 2023, l’étude prospective MASAI, réalisée en Suède, montre que l’utilisation de l’IA comme outil de triage augmente le nombre de cancers détectés et diminue de 50 % la nécessité d’une double lecture humaine.
A l’ère des agences Régionales de la santé et de la haute autorité de la santé au Maroc, profiter des expériences des autres est un gain de temps et d’argent.