Dr Bounhir BOUMEHDI
L’Intelligence artificielle (IA) est capable de débusquer des anomalies radiologiques avec une précision inégalée. Mais, l’IA ne remplace pas le médecin radiologue, qui reste indispensable à l’interprétation des images.
«On ne soigne pas une image!» Cet adage médical est presque aussi vieux que l’invention de la radiographie.
Mais comment résister à la tentation de relier une anomalie radiologique aux symptômes dont se plaint un patient?
La question se pose avec acuité devant les progrès constants de l’imagerie médicale et l’arrivée d’algorithmes d’intelligence artificielle (IA) d’une précision stupéfiante.
Mais, il faut toujours garder à l’esprit que le métier de radiologue ne se résume pas à lire des images.
Cependant, il faut garder à l’esprit qu’une IA attire l’attention d’un radiologue sur une image à voir en priorité car pouvant signaler une pathologie urgente ou grave.
Laisser une machine poser un diagnostic ou décider d’un traitement est tout aussi inconcevable prônent plusieurs médecins, évoquant l’aspect éthique de la question
C’est pourquoi il est indispensable pour le Maroc d’inscrire dans les textes de loi régissant l’utilisation de l’IA dans la pratique médicale, tous les aspects bioéthiques afin d’éviter toutes les dérives possibles.
Car, il est certains que l’utilisation raisonnée de la technologie et des algorithmes est aussi le futur de la santé dans notre pays
Car, il faut bien s’en rendre compte, on est arrivé quelque part à la limite de ce que peut faire l’humain, l’intelligence artificielle sera le copilote du radiologue.
Une évidence lorsque l’on sait qu’il ne faut plus que 4 secondes pour faire un scanner de la tête aux pieds et générer 1 600 images.
Une étude publiée dernièrement dans la revue JAMA Network Open donne une idée du potentiel d’une IA dans la lecture de radiographies du thorax.
L’algorithme a d’abord été entraîné sur 54.221 radios normales et 35.613 radios anormales.
Ses performances ont ensuite été comparées à celle de quinze médecins, dont dix radiologues, sur plus d’un millier de radiographies (468 normales et 529 anormales) fournies par 5 hôpitaux, quatre en Corée du Sud et un en France.
La première conclusion est que les performances du radiologue sont très bonnes et celles du radiologue associé à l’IA excellentes.
Ce qui renforce l’idée de complémentarité.
L’IA, certes copilote précieux à condition d’être bien entraîné, car l’algorithme n’apprend que ce qu’on lui montre (apprentissage supervisé).
C’est l’homme au départ qui va déterminer ce qui doit être considéré comme normal ou pas.
Ce qui n’est pas toujours simple. Il y a cinq ans, des chercheurs américains avaient montré qu’un nombre conséquent de personnes ne se plaignant d’aucun symptôme présentaient pourtant des images radiographiques (scanner, IRM) anormales de la colonne vertébrale.
À 20 ans, 37 % des sujets avaient des signes radiologiques de dégénérescence des disques intervertébraux, ces «amortisseurs de la colonne vertébrale», et 68 % à 50 ans!
On voit même le disque bomber et déborder (protrusion discale) chez 30 % des jeunes gens dès 20 ans sans que cela ne puisse être considéré comme anormal.
C’est le rôle du radiologue d’expliquer au patient s’il y a ou non corrélation directe entre l’anomalie radiologique et la symptomatologie.
C’est aussi une question qui va se poser à l’avenir: l’IA n’aura-t-elle pas tendance à considérer comme pathologique de facto toutes les anomalies repérées?
C’est au médecin traitant et au radiologue de décider en parfaite concertation de la conduite à tenir