En France, le programme de dépistage organisé des cancers du sein cible les femmes âgées de 50 à 74 ans à risque moyen, c’est-à-dire sans symptôme apparent ni facteur de risque particulier. Elles sont invitées tous les 2 ans à réaliser une mammographie et un examen clinique des seins auprès d’un radiologue agréé.
Le dépistage organisé des cancers du sein a été généralisé en France en 2004.
Il a pour double objectif de réduire la mortalité liée au cancer du sein et d’améliorer l’information et la qualité des soins des personnes concernées.
Il garantit notamment à chaque femme un accès égal au dépistage sur l’ensemble du territoire et un niveau de qualité élevé.
Avec la généralisation de l’assurance obligatoire au Maroc, en tant que radiologue, j’appelle à la mise en place d’un dépistage organisé des cancers du sein. Car toutes les écoles de cancérologie dans le monde convergent vers le fait qu’un cancer diagnostiqué très tôt, avant même l’apparition d’un symptôme, offre la possibilité d’un traitement conservateur du sein, une espérance de vie plus importante et une qualité de vie meilleure.
En attendant la mise en place de ce programme au Maroc, Quoi de neuf dans les débats scientifiques actuels concernant l’utilisation de la mammographie 3D ou tomosynthèse dans ce dépistage organisé des cancers du sein ?
Dr Bounhir BOUMEHDI
La Haute Autorité de la Santé (HAS) en France vient de rendre un avis favorable à l’intégration de la tomosynthèse ou Mammographie 3D dans le dépistage organisé du cancer du sein.
Aujourd’hui, en France, le dépistage organisé du cancer du sein repose sur la mammographie : une image en 2 dimensions du sein. Une représentation simplifiée d'un « objet » en volume – donc en 3 dimensions – qui présente certaines limites.
En 2017, alors que la tomosynthèse, une version améliorée de la mammographie qui permet de reconstruire une image en 3D du sein, marquait une percée, L'Institut national de cancérologie (NCa) saisit la HAS.
Le but : déterminer si cette technique permettrait de détecter davantage de cancers.
Le 17 mars 2023, soit 6 ans plus tard, elle rend enfin sa conclusion et recommande l'intégration de la mammographie par tomosynthèse dans le dépistage organisé du cancer du sein, à condition qu’elle soit systématiquement associée à la reconstruction d’une image 2D synthétique”.
Un avis qui suscite beaucoup de questions sur sa mise en pratique réelle, comme l'expliquent plusieurs médecins radiologues, notamment du service d’Imagerie Diagnostique de Gustave Roussy.
Pour commencer, en quoi consiste la mammographie 3D ?
Il s’agit d’un appareil de mammographie doté d’un bras, muni d’un rayon X, qui va tourner progressivement autour du sein de la patiente pour en prendre plusieurs clichés selon différents angles.
Les images ainsi acquises, entre 9 et 20 vues, sont ensuite traitées par ordinateur pour reconstituer une image synthétique en 3 dimensions.
Cette reconstitution nous permet de nous déplacer virtuellement à l’intérieur du volume du sein par pas de 1 millimètre.
Est-ce comparable à l’IRM qui reconstitue une image 3D du corps à partir d’une série de “tranches” ?
Pas vraiment car la tomosynthèse ne balaie pas la totalité du sein. Les images ne sont pas prises à 360 degrés mais sur un angle donné.
Il varie selon les machines mais il se situe autour de 40 degrés. C’est donc plutôt de la pseudo 3D.
« La tomosynthèse est plus sensible que la mammographie pour détecter les tumeurs dans des seins denses. »
Quels avantages présente-t-elle par rapport à la mammographie 2D actuelle ?
La mammographie 2D n’est pas très performante quand les seins sont denses.
Elle peut aussi générer ce qu’on appelle des “faux positifs”.
Comme on comprime un objet en 3D qu’est le sein pour en faire objet en 2D, on peut avoir une image qui ressemble à une masse alors que c’est juste la superposition de plusieurs structures denses mais bénignes (voir encart).
La tomosynthèse permet de contourner ces biais ?
Oui parce qu’elle permet de regarder le sein sous différents angles.
Il a été montré que la tomosynthèse est plus sensible que la mammographie 2D pour détecter des tumeurs dans des seins de densité C1.
C’est le cas chez environ 40% des femmes.
Par exemple, si un nodule se cache derrière un tas de glandes mammaires, on ne le verra pas avec la mammographie parce qu’il sera masqué.
Avec la tomosynthèse, comme on peut changer de point de vue, on le verra.
De la même façon, cela permet aussi de réduire le nombre de faux positifs.
C’est un peu comme dans une forêt : si on se tient face à un grand chêne, on risque de ne pas voir l’arbuste qui se cache derrière. Par contre, si on se met à tourner autour du chêne, il finira par apparaître.
Dans cette métaphore, la forêt c’est la densité mammaire et l’arbuste c’est une tumeur.
Sur le site radiologielopera.com, nous avons tenus à partager ces données scientifiques bien qu’un peu trop techniques avec tous nos lecteurs